Le préfet est censé
venir ce soir afin de présider la table des négociations avec les
nombreux grévistes. Les touristes que nous sommes, pris en otages
dans cette ville depuis trois jours veulent également se faire
entendre et nombreux sont ceux qui se réunissent sur la place,
devant la mairie, pour montrer qu'ils sont là, bel et bien présents.
Depuis trois jours, la
ville est bloquée. Aucun véhicule ne peut en sortir. Tous les
commerces sont fermés, leur propriétaire font la grèves. Les
touristes souhaitant faire l'excursion dans le salar patientent
sagement que les agences ouvrent et ceux l'ayant déjà effectué
patientent en faisant les cent pas dans les rues que les guichets de
bus leur vendent un billet leur permettant de quitter cette ville.
Nous faisons partis de ces
deux catégories : nous avons déjà effectué l'excursion dans le
Salar, 4 jours et 3 nuits. Très sympathique, mais le dernier jour,
celui qui se passe effectivement sur le Désert de Sel était très
nuageux, nous n'avons donc pas eu le grand émerveillement sur cette
surface blanche surplombée par un ciel au bleu profond : pour nous,
c'est blanc cassé sur blanc gris. Nous attendons alors le déblocage
pour nous y rendre à nouveau, juste une petite journée, histoire de
ne pas repartir avec un regret.
Dans la rue, des pétitions
lancées par certains touristes tournent. Non pas pour râler sur
leur sort d'otage, mais pour aller dans le sens des grévistes. Car
l'objet de cette grève est finalement tout à fait légitime : Uyuni
et quelques autres villes ne sont reliées entre eux que par des
chemins non goudronnés. Il ne s'agit là pas de petits villages
perdus au fin fond des Andes, mais des villes principales du centre
de la Bolivie. Imaginez que pour relier Paris (La Paz) à Renne
(Uyuni), ce soit du chemin caillouteux et qu'il faille 14 heures pour
effectuer le trajet ! On comprend le raz-le-bol des professionnels du
transport et des commerces qui en découle qui ne peuvent relier ces
villes simplement et rapidement, causant un fossé commercial assez
important entre les villes.
La raison de la colère ?
Le gouvernement avait oublié de donner sa décision sur la
réalisation des travaux à une date butoir puis se rattrapa en
indiquant retarder les travaux promis de dix années !
La Bolivie est connue,
comme la France, pour ces nombreuses grèves à répétition. Mais
là, il est dit que les Boliviens en ont vraiment marre et que le
mouvement actuel est très dur.
Évidemment, ça tombe sur
nous !
Personnellement, il nous
reste un peu mois de deux mois de voyage pour finir notre séjour en
Bolivie et visiter le Pérou. Ce n'est pas quelques jours de blocage
qui vont mettre notre programme en péril. Mais nombreux sont les
touristes qui sont en vacances de quelques semaines seulement (2 ou
3) et qui ont un itinéraire chargé ou même un vol pour le retour
qu'ils ne pourront finalement pas prendre. Alors que nous nous
occupons à notre hôtel, les autres sont sur le qui vive sur la
place principale, dans les rues, devant les agences de bus
désespérément closes, à la recherche de la moindre information
sur l'éventuel déblocage du conflit.
C'est enfin ce soir, à
17h, que le Préfet doit venir à la table des négociations et il se
dit que s'il signe les accords, tout se débloquera, et très vite.
Je me rends alors devant
la mairie où doit y avoir les négociations. Suis-je en retard ? Il
est 17h10. Le Préfet est-il déjà arrivé ? Sur le parvis, tous les
habitants de Uyuni sont présents, autant dire qu'il y a foule et les
touristes sont également là. Une centaines d'entre nous sont
bloqués depuis plusieurs jours. Il y en a qui le sont depuis 3 ou 4
jours, d'autres qui sont arrivés la veille qui ont donc pu entrer
mais ne peuvent en sortir. Et il y a nous : cela fait une semaine,
moitié de grès, moitié de force (tranquille).
18h, 18h30. Le Préfet
n'est toujours pas là. Faudrait pas qu'il soit bloqué à un
barrage. Il est dit qu'il est sur la route et qu'il arrivera d'ici un
quart d'heure. Peut-être que si le bitume avait été réalisé, il
aurait été là plus rapidement et peut-être à l'heure.
19h, certains ont entendu
à la télé une communication téléphonique entre le Préfet et un
journaliste. Il arrive d'ici une demie-heure. Il est escorté par 70
policiers, certains disent que cela risque de mettre en colère les
grévistes.
Finalement, il arrivera
tard dans la nuit, je n'aurai pas attendu sa venue. Deux heures de
négociations. Il y avait d'ailleurs bien d'autres sujets que le seul
bitume des routes. Nous pension que tout s'était débloqué dès la
signature, mais en fait nous apprendrons plus tard qu'il ne
s'agissait que d'une trêve de 24h... Des bus sont partis dans la
nuit, d'autres le lendemain matin. Nous, nous resterons une journée
de plus pour visiter le Salar. Quel contraste entre ville bloquée
dont tous les commerces sont fermés et que l'on arpente tel un
cow-boy arrivant dans une ville fantôme et cette même ville, animée
par les différents restaurants qui étalent des tables sur la place
en guise de terrasse, ces touristes qui se dévêtissent au soleil
alors que nous sommes tous en polaire avec blouson à l'ombre.
Nous partirons sans
problème le sur-lendemain en bus pour Potosi. Cinq heures pour
parcourir les 200 kilomètres sur un chemin chaotique dans un bus où
les vitres n'ont pas l'air solidement fixées et vibrent au rythme
des cailloux faisant sursauter le véhicule.
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