Uyuni.
Un nom qui fait quelque peu rêver, non ? Son Salar que nous avons
traversé lors de notre tour de 4 jours et son village qui doit être
accueillant pour les nombreux touristes qui y séjournent avant ou
après avoir fait l'excursion dans le Salar. Nous ne nous doutions
pas que nous y séjournerions une bonne semaine.
Uyuni, village à l'ambiance estivale ?
Un cauchemar soviétique. Cet adjectif,
que j'ai trouvé sur un blog de voyage qualifiant Uyuni, est un peu
exagéré, mais la réalité est bien différente de ce que nous en
imaginions. Dès notre arrivée, déposé par le 4x4 devant notre
hôtel, l'atmosphère qui règne dans les rues nous met mal à
l'aise. Notre hôtel se situe dans la même rue que la gare, presque
en face. Cette large avenue n'en est pas moins déserte de monde et si silencieuse.
En nous baladant dans ce village aux
routes pour la plupart goudronnées, nous traverserons une place
dominée par une sorte de clocher. Cette place est légèrement
colorée, mais ça ne suffit pas à enjoliver les nombreuses grilles
qui bordent inutilement tous les petits espaces terreux (à défaut
d'être verts). De nombreuses petites boutiques bordent les rues,
leur devanture n'est cependant pas réellement mise en valeur.
Notre hôtel nous plaisant moyennement,
nous souhaitions partir à la recherche d'un autre qui pourrait être
plus accueillant. Imaginer une court de prison, avec un balcon
bordant l'étage supérieur et les cellules réparties le long des
murs. Voilà, bienvenue à l'hôtel Avenida. Pourtant je ne me
rappelle pas avoir fait quelque chose de mal ces derniers jours.
Nous entrons alors dans l'auberge de
jeunesse de Uyuni. Les couloirs sont tellement sombres que même un
hôpital serait bien plus accueillant. Malgré la présence d'une
cuisine commune que nous n'avons pas dans notre univers carcéral,
nous resterons dans notre cellule, bien moins chère au final.
Sans moyen de se préparer nous-même
des plats chauds, nous allons prendre nos repas dans les quelques
restaurants présents aux alentours de notre hôtel. Ici, pas le
choix : c'est pizzeria ou rien d'autre. Tous les restaurants sont des
pseudo restaurants italiens tenus par des locaux. Je voudrais bien
savoir lequel a été le premier, l'original, car il n'y a alors
aucune différence entre tous ceux que nous avons fréquenté. Cela
commence par la décoration : il s'agit toujours d'une pièce dont
les murs sont recouverts de photos panoramiques de villes
boliviennes. Nous avions d'ailleurs déjà vu ça à Tupiza. Les
mêmes photos agrémentées par des objets en bois de cactus. Les
similitudes ne s'arrêtent pas là. La carte est identique dans tous
les restaurants. Identiques seulement dans le contenu dans certains
cas, et identiques sur la formes dans d'autres. Il n'y a que les
prix, renseignés au crayon de papier qui soient différents sur un
même document certainement photocopié. Au menu, pizzas, pattes et
poulet frites. Nous connaissons la carte par cœur, à la page des
pizzas, la première est toujours la 4 Saisons, etc. Aucune
spécialité qu'un restaurant aurait de manière originale.
Dehors, un vent de sable rend la
visibilité très réduite. De nombreux détritus jonchent le bord
des rues. Dans une moindre mesure, cela me rappelle l'Inde. Une bien
moindre mesure tout de même !
Tous les matins, l'église diffuse à
l'aide de son haut parleur le discours d'un homme. Ce n'est pas tant
le discours en lui même qui est dérangeant, je ne le comprends pas,
mais bien le fait que le son est horriblement usé et ce sont des
crachotements qui sont balancés à travers la ville. Heureusement,
ça ne dure pas toute la journée. D'un autre côté, lorsque le
silence règne dans cette ville, ça fait un peut étrange. Nous
avons l'impression parfois (souvent ?) d'être dans un village
fantôme, surtout du côté de notre hôtel pourtant située dans une
relative grande avenue : le silence est rompu par un sac en plastique
qui est déposé par un vent sourd.
Côté activités touristiques, ou
plutôt devrais-je écrire "activité touristique", le
Cimetière des Trains constitue l'unique attraction du village dédié
finalement uniquement à partir en excursion. Ce cimetière, c'est
tout simplement une décharge à ciel ouvert où rouillent un nombre
impressionnant de wagons et locomotives entassées les unes sur/à
côté des autres. Peut-être finalement que ce cimetière pourrait
devenir le symbole de cette ville.
Des touristes, ici, il y en a. Et un
bon paquet. Ce n'est pas l'intérêt de la ville qui les fait venir,
mais bien le fait que ce soit un point de départ pour des excursions
dans l'un des plus beaux paysages au monde. Certainement que la
municipalité l'a pris en compte et ne fait pas beaucoup de choses
pour améliorer les installations publiques. Ils s'en fichent, les
touristes viennent quand même !
Pour nous relier au monde, Internet. La
connexion est cependant très lente. Très très lente. Vous
rappelez-vous des premiers modems 28k. Ben ça marchait mieux avec
ça, car ici, en une heure et demie, bien qu'ayant réussi à faire
quelques recherches sur le net, mais nous n'avons pas pu mettre à
jour un article sur notre site, encore moins en publier un.
Pour renforcer ce sentiment de ville
soviétique, la température des lieu est bien basse. Nous sommes sur
un plateau, l'Altiplano, à une altitude cependant différente de
celle de San Pedro de Atacama (2400 m). Nous avons d'ailleurs du mal
à réaliser que nous sommes à une altitude finalement très
élevée, mais le froid est là pour nous le rappeler : Uyuni est à
3600 mètres d'altitude. Nous nous camouflons donc dans les quelques
vêtements plus ou moins adaptés que nous ayons. Plutôt "moins"
d'ailleurs vu le caractère globalement estival que nous avons connu
lors de ce tour du monde. La nuit, nous nous blottissons avec joie
dans les 6 épaisseurs bordant nos lits : un drap, quatre
couvertures, une couette. Les filles dorment en plus emmitouflées
dans l'un de nos duvets !
Ayant planté le décors, devinez
combien de temps nous y sommes restés ? La solution est dans le
texte d'introduction de cet article : une bonne semaine, au moins,
car à l'heure où j'écris ces lignes, nous y sommes encore !
Au début, nous souhaitions faire un
petit break après notre excursion un peu fatigante dans le Sud Lipez
et le Salar de Uyuni, nous avions prévu d'y rester 2, voir 3 nuits.
Dans ce laps de temps, nous souhaitions également retourner une
seule journée sur le Salar : lorsque nous l'avions foulé, une
couche nuageuse nous avait un peu gâché ce moment tant attendu
depuis des années. Puis lorsque nous nous sommes renseignés auprès
des agences, nous avons compris entre les lignes qu'il y avait une
sorte de blocus et que les excursions étaient momentanément annulée
pour le lendemain et qu'il fallait donc prévoir un décalage d'une
journée. Le lendemain, le sur-lendemain, etc. les agences étaient
toutes fermées. Les agences, mais également toutes les boutiques,
les agences de bus, la plupart des restaurants, etc. Tous sont fermés
pour protester. Tous ? Sauf un restaurant d'irrésistibles Romains
qui reste ouvert pour le plus grand bonheur des touristes... ou tout
simplement pour leur santé. Cependant, sa porte est close, les
pancartes rentrées, il faut juste savoir toquer discrètement pour
entrer. Le blocus, causés par les locaux, prenait une forme
autrement plus radicale que les mouvements sociaux généralement et
fréquemment présents en Bolivie.
Dans les faits, aucun véhicule ne peut
sortir de la ville de Uyuni. Sur tous les axes "routiers",
des Boliviens font blocus avec briques de terre et branchage en
travers de la route. Si une voiture approche, il se baisse pour
ramasser quelques pierres. Surement pour passer le temps et apprendre
à jongler, non ?
Nous sommes en quelques sorte les
otages de cette crise sociale. Aucun 4x4 ne peut donc sortir de la
ville pour réaliser un tour dans le Salar. Mais également aucun bus
ne peut en sortir pour nous rendre dans une autre ville. Les
touristes, pour la plupart backpacker comme nous, à la différence
près que nous sommes apparemment les seuls avec des enfants..., se
retrouvent dans la rue, sac sur le dos, échangeant les dernières
informations au sujet du conflit.
"Nous avons pris une Jeep hier
pour nous rendre à Potosi, mais avons rencontré un barrage à 20 km
au nord de Uyuni. Le chauffeur a tenté de négocier, sans succès,
nous voilà à nouveau ici."
"Un groupe a tenté de partir
cette nuit avec un 4x4. Je ne les ai pas revu ce matin, ils ont
certainement réussi à contourner les barrages."
Il se dit également que des mines
auraient été posées hors des routes pour éviter les passages de
ce genre. Maintenant, attention à la prolifération de rumeurs.
Parmi les touristes, beaucoup jouent le contre-la-montre : leur avion
pour le retour ne les attendra pas, ils tenteront donc de passer au
plus vite.
Nous, nous avons le temps. Il nous
reste 7 semaines avant notre retour en France et l'on peut attendre
ici plusieurs jours supplémentaires. Nos occupations en cette
période d'occupation sont pour Perrine et moi, l'écriture
d'articles pour le site, et pour les filles de profiter de leurs
jouets et des coloriages. Nous avons bientôt comblé notre retard en
terme d'écriture, si ça continue, il va bientôt falloir que nous
commencions l'écriture d'un roman de fiction, car tout ce que nous
aurons vécu aura déjà été couché sur papier... enfin, sur
disque dur. Les cartes postales, toutes écrites, ne peuvent être
postées : le bureau de poste a, lui, définitivement fermé.
Depuis trois quatre
jours donc, notre programme journalier se résume à :
Réveil, douche, petit déjeuner dans
l'un des deux seuls restaurants que l'on connait d'ouvert,
écriture/jeux, repas du midi au second restaurant,
écriture/jeux/sieste, repas du soir au restaurant, dodo, tout cela
saupoudré d'un froid quotidien glacial. A certains moment, nous
échangeons avec les autres voyageurs sur la situation et prenons
notre mal en patience.
Nous apprenons ainsi, plusieurs jours
après le début du conflit l'objet de ce dernier : entre les villes
de Oruro et Uyuni, c'est une piste non asphaltée. Un Projet de route
goudronnée viendrait d'être repoussé par le gouvernement de
quelques dix années !
Nous patientons, mais dans cette ville
où tout est fermé, nous pourrions aisément qualifier Uyuni de
cauchemar soviétique.
Côté moral, ça va très bien. Nous
nous sentons en relative sécurité dans notre hôtel. Aujourd'hui,
les choses ont bien bougé dans le sens où il y a un grand défilé
dans toute la ville des personnes protestant, avec quelques pétard
(dynamite, pays minier oblige !) de temps en temps. Habituellement,
les conflits de ce genre ne dure qu'une ou deux journées. Il est dit
ici que les gens en ont vraiment marre de ne pas être écoutés et
que le conflit est actuellement illimité dans le temps. Nous
patienterons ici, sans tenter de forcer le passage. Il y aura bien
une fin.
Photos de
la ville de Uyuni lors du blocus
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