Potosi est l'une des villes les plus hautes du monde,
4070 mètres, construite au pied du Cerro Rico, la "Montagne
Riche", une montagne de minerai d'argent qui domine la ville de
ses 4824 mètres.
On dit que la quantité d'argent extraite des mines
de Potosi suffirait à construire un pont au-dessus de l'Atlantique
pour relier Potosì à la péninsule ibérique, mais que les
ossements de mineurs morts dans des accidents y suffiraient
également. Près de 8 millions d'Indiens et d'esclaves y ont trouvé
la mort depuis le début de son exploitation en 1545.
Aujourd'hui encore, des milliers de personnes
travaillent dans ces mines afin d'y extraire de l'argent, du zinc, de
l'étain et du plomb. Nous sommes allés à la rencontre de deux
d'entre eux.
Contrairement à ce que
semblent vivre les Sept Nains, le travail de mineur est très ingrat
et quelque peu inhumain.
Le mineur n'est pas Joyeux
et doit Simplement soulever, sans Grincher, son marteau pour le
cogner sans Timidité contre le pieu, qui n'est pas celui du Dormeur,
afin de casser dans les Profondeurs la roche dans l'espoir de trouver
du minerai de valeur. "Atchoum" fait-il après avoir
respiré la poussière.
Ces mines, toujours en
activité, se visitent. Il ne s'agit pas d'un musée créé pour
les touristes, mais bien d'une véritable mine vivante qu'il est
possible de visiter à ses risques et périls. De nombreuses agences
proposent un tour dans la mine, nous avons longuement hésité pour la
sécurité de nos filles puis finalement avons opté pour une petite
visite, un tour beaucoup moins long et dangereux que ceux
habituellement proposés.
Aujourd'hui encore, près
de 10 000 mineurs travaillent chaque jour dans ce gruyère aux 5000
entrées et plus de 20 000 tunnels. Nous sommes ainsi rentrés par
l'une d'entre elles, dont le boyau de 1,50m nous conduit quelques
dizaines de mètres plus loin vers un mineur en train de frapper avec
un lourd maillet sur un pieu afin de casser la roche. Son objectif,
trouver du minerai de valeur, idéalement de l'argent qui sera
achetée par des sociétés étrangères spécialisées dans l'export de cette
matière. Il lui faudra pour cela remonter près de 50 kilogrammes de
roche de qualité pour espérer un salaire aléatoire de quelques 40
Bolivianos par jour (~ 4 €). Le premier mineur que nous rencontrons
a 60 ans. Peu de mineurs ont eu la chance d'atteindre cet age.
Surement parce qu'il a commencé tard le travail de mineur : à 20
ans. L'espérance de vie des autres mineurs est de seulement 45 ans
dû à la respiration de la poussière et celle-ci descend à 35 années
s'ils travaillent en présence d'arsenic se dégageant des roches. Les
mineurs travaillent jusqu'à leur mort. Oh, il existe bien une
retraite mise en place, mais personne n'atteint l'age nécessaire
pour y avoir le droit... enfin presque : ces dernières années, un mineur avait
atteint cet age, cela a fait la une des journaux.
L'age minimum légal pour
y travailler est de 12 ans. Il y a encore beaucoup d'enfants qui y
travaillent. Nous avons d'ailleurs vu quelques jours plus tard, a
Sucre, le film documentaire The Devil's Miner qui raconte la vie d'un
mineur Bolivien de 14 ans. On en ressort bousculé. Si vous avez
l'occasion de le voir, c'est très touchant et montre en détail le
travail inhumain que ces hommes réalisent 12 heures par jours, 6 jours
sur 7.
J'ai bientôt 30 ans et
imaginer que certains mineurs ont commencé ce travail alors que je
naissais peine et qu'ils n'ont pas fait autre chose que de taper sur un pieu
ces 30 dernières années, pendant de longues journées, sans avoir
eu l'occasion de faire autre chose de leur vie... c'est une notion
qui me dépasse.
Les conditions de travail
sont extrêmement mauvaises, il fait jusqu'à 40°C, l'atmosphère y
est souvent irrespirable avec la poussière en suspension et les
accidents sont très fréquents : au moins un par jour, trois parmi
eux sont fatals chaque mois. Cela peut être une explosion mal gérée
de dynamite, un éboulement ou tout autre cause survenant
brutalement. Cela ne compte pas les morts dus à des problèmes
respiratoires.
Avant d'entrer dans ces
mines de l'enfer, nous sommes passés au Marché des Mineurs, sorte de
petites boutiques vendant tout ce dont le mineur pourrait avoir
besoin. Nous avons opté pour un sac plastique contenant diverses
choses : quelques biscuits crackers, une dynamite, une mèche, et des
feuilles de coca. Oui, tout ça librement, dans la rue. On aurait pu
tout faire péter, mais on a préférer offrir ce sac au mineur. La
dynamite est nécessaire au mineur afin qu'il puisse avancer plus
rapidement dans sa quête. Mais elle est très cher pour eux, ils
apprécient donc grandement qu'on leur en offre. Concernant la feuille de coca, c'est un peu le nerf de la guerre.Les mineurs en
mastique tout au long de la journée, ça leur permet de rester éveiller
en ne connaissant plus la fatigue, ça coupe la faim et leur permet
ainsi de travailler leur 12 heures d'affilée, sans discontinuer !
La montagne appartient à
l'État et les mineurs doivent payer une redevance afin d'être
autorisés à exploiter ses richesses... enfin, ce qu'il en reste car
elle a bien fait la richesse de l'Espagne, mais elle est déclarée
épuisée depuis plusieurs décennies maintenant. Certains se sont
regroupés en petites coopératives, mais ils sont très autonomes
dans le travail quotidien, chaque mineur exploite un endroit qui lui
est réservé. Généralement, un père embauche son fils dès qu'il
a l'age légal. Ce métier se transmet de génératioin en génération, quel
héritage !
Afin de les aider dans
leur labeur, les mineurs adorent plusieurs dieux. Amérique latine
oblige, ils croient en Jésus et une croix est ainsi placée dans
chaque tunnel, près de la sortie de la mine. Ils vont également à
la messe, mais paradoxalement, ils croient en deux autres dieux : Tio,
le démon créateur des minéraux ainsi qu'à la Terre Mère. Il y a
dans chaque mine une représentation de Tio et de la Terre Mère sous
forme de statut de terre qu'ils vont chaque jour prier et qu'ils
craignent. Ils leur font des offrandes régulières afin de ne pas
attirer leur colère qui pourrait leur être fatale.
Alors que cinq minutes
d'une marche plié en deux qui nous amène à quelques dizaines de
mètres de l'air libre me rend quelque peut claustrophobe, imaginez ce
que ressent un gamin de 14 ans emmené à 500 de dénivelé vers le
bas de la montagne à plusieurs kilomètres d'un labyrinthe de
tunnels dans lesquels il est impératifs de ne pas se perdre sous
peine de ne plus jamais revoir le soleil. Pourtant, j'ai déjà fait
de la spéléologie, à m'enfoncer sans problème sous terre à
quelques centaines de mètres de l'entrée, mais ici, personne n'est
à l'abri d'une erreur d'exploitation de la mine, d'un effondrement
d'une partie de la mine ou d'une explosion de dynamite d'un tunnel
avoisinant qui aurait des répercutions sur celui dans lequel on
évolue.
Nous sommes contents de
retrouver la lumière du soleil, celle que les mineurs ne peuvent
voir. Et sommes bouleversés par cette activité que l'on imaginait ne
plus être qu'un thème de roman historique.
Une de ces moments qui
vous fait relativiser tout ces petits tracas de la vie quotidienne.
Photos de notre visite des Mines de Potosi
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