La journée de visite d'Agra
touche à sa fin. Le chauffeur qui nous guide sur ces deux
jours souhaite nous faire rencontrer des tailleurs de marbre, ces
artisans qui s'occupent de restaurer le Taj Mahal afin de comprendre
comment il a été construit.
Nous nous retrouvons donc dans une
marbrerie et sommes reçu par un homme charmant (au sens
littéral du terme) qui va nous expliquer toute l'histoire de
ce travail artisanal de restauration du Taj Mahal. En face de nous,
un artisan travaille justement des pierres précieuses pour en
faire des motifs qui seront incrustés dans le marbre.
L'homme qui nous parle est un
descendant direct des artisans ayant participé à la
construction du Taj Mahal. Il en est de même avec celui qui
polie devant nous les pierres. La technique nous est présentée
en détail, en anglais et nous sommes régulièrement
priés de traduire ses explications aux filles : "Please,
translate !".
Cet homme est payé par le
governement of India pour restaurer le Taj Mahal tous les vendredis
(ce site est fermé ce jour là à la visite). Nous
voilà rassurés ! Cet homme est donc officiellement payé
par un organisme public pour faire un travail qui n'a rien à
nous vendre et dont une partie est liée à la pédagogie
adressée aux touristes que nous sommes. Il s'agit donc de
passer du temps, sincère, à nous expliquer l'histoire
et la technique artisanale, sans arrière pensée de nous
vendre quelque chose. Fabuleux !
L'explication sur les techniques
employées étant terminée, nous sommes invités
à quitter l'atelier et à nous rendre dans sa galerie.
Un dernier coup d'œil par dessus mon épaule en quittant la
pièce me permet de voir l'artisan adossé au mur, son
travail de polissage arrêté, attendant certainement le
prochain touriste.
La galerie est une fabuleuse pièce
remplie de tables (juste le plateau) de marbre merveilleusement
décorées de fleurs incrustées. En regardant de
près, on se rend compte du travail accompli avec minutie.
C'est très joli. Sauf que au passage, vous verriez ça
dans un salon de part chez nous, vous trouveriez ça soit kitch
ou très très kitch. Mais mis à part cet aspect
marginal (oups), c'est impressionnant de finesse et dans le contexte
de cette gallerie, on serait presque tenté d'en vouloir une.
Après nous avoir invité à
faire un tour à voir les différentes tables proposées
parmi les grandes de 2 mètres de diamètre, celles un
peu plus petites de 2 mètres par 1, jusqu'à celle de 40
cm de diamètre, il nous prie de nous assoir sur un canapé,
en face d'une petite table basse sur laquelle est disposée une
calculatrice. Il souhaite continuer ses explications et nous montre
ainsi le caractère transparent du marbre. En effet, s'il est
taillé en plaque assez fine, la lumière le traverse et
permet de rendre une table lumineuse en y plaçant
judicieusement une lampe en dessous. 3 couleurs de marbres existent
ici, le blanc, le noir et le vert. Seul le blanc possède cette
propriété de transparence. Le marbre blanc présenté
ici est exactement le même que celui utilisé au Taj
Mahal. Il vient en effet des mêmes carrières de Jaipur.
Imaginez avoir une table dans votre salon avec le même marbre
que celui utilisé par le plus beau monument du monde !
Un second Taj Mahal, en noir cette
fois-ci a failli voir le jour. Mais l'architecte est mort avant. Hé
ben figurez-vous que la table devant vos yeux, celle en marbre noir,
utilise le marbre qui aurait dû servir de matière
première à ce fœtus avorté !
Une autre propriété du
marbre transformé en table est qu'il permet d'accepter les
visa, les mastercard, les american express, dans toutes les devises
du monde. Et chimiquement, le prix est toute taxe comprise, transport
également dans toute destination à travers le monde, ce
qui enlève le tracas de devoir trouver une petite place dans
notre sac à dos de 70 litres. Alors mon dos, merci qui ? T'as
eu peur de te taper une table de 200 kg, hein ?
"Please, translate !"
Tiens, un colis est justement en
partance pour l'Angleterre tel que l'atteste le paquet intelligemment
disposé sur le côté avec l'adresse de John
Taylord écrite en gros caractères.
Nous sommes relativement sereins,
Perrine et moi, même si nous ne savons pas encore comment
sortir de ce piège à touriste, mais l'alibi de notre
tour du monde nous permet de justifier l'impossibilité pour
nous d'acheter une table. Impensable de prendre de telles pièces
dans nos bagages et puis nous n'avons plus d'adresse en France ! Qui
dit mieux ?
Ok, pas de souci, l'homme comprend tout
à fait. Mais pourquoi ne pas visiter alors la suite de sa
boutique... heu pardon, galerie ? Il nous convie dans une seconde
pièce, savamment cachée de la première dans
laquelle on découvre avec stupeur des milliers d'objets
beaucoup plus petits. Des boites à bijoux en passant par les
bibelots, les tasses, les mini Taj Mahal. La galerie regorge de
petits souvenirs qui tiennent dans un sac de voyage. L'homme ayant
compris notre problème d'encombrement, il présente
judicieusement aux filles des petits éléphants de 3 cm
de haut. Nous sommes perdus, comment partir sans acheté alors
que cet homme a si gentiment passé du temps à nous
expliquer son travail avec passion.
La raison revient à nous.
Surtout lorsqu'il annonce le prix d'un des éléphants :
100 fois moins d'incrustations de pierres pour un prix à peine
10 fois moins cher qu'une petite table à thé.
"Comme nous vous l'avons dit
avant, notre tour du monde ne nous permet pas l'achat de tels objets.
Mais rassurez-vous, votre travail est formidable et votre collection
est très jolie. Passez le bonjour à votre famille de
notre part, le Taj Mahal est également très réussit
!"
Nous sortons de son magasin avec
sérénité, l'homme n'insistant finalement pas
dans son discours de vente. Pauvre chauffeur, ce ne sera pas
aujourd'hui qu'il aura sa commission.
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