A la sortie de l'aéroport, le
premier contact avec l'Inde se fait par l'intermédiaire du
taxi. Celui-ci doit nous emmener chez notre hôte qui nous
accueille pour 2 nuits avant que nous nous rendions en train à
Jaipur, à 200 km au sud de Delhi.
Plusieurs dizaines de taxis, tous
colorés en jaune et noir, attendent patiemment le client en
file... indienne (sorry ;-). Juste les taxis, car les conducteurs
sont, eux, heu... pas dans leur voiture. Ils sont éparpillés
sous les arbres, devant l'aéroport. Il existe en fait 2 types
de taxis. Ceux colorés qui fonctionnent soit au compteur, soit
au forfait prépayé selon une grille tarifaire suivant
le lieu désiré. Et ceux qui sont tout blancs, qui
fonctionnent à la course négociée, à la
gueule finalement.
Nous prenons un prépayé.
Le paiement s'effectue à un comptoir extérieur, puis
nous est affecté le premier taxis de la file. Une fois les
bagages chargés dans le coffre, nous entrons dans ce qui
s'appelle une voiture (c'est pas si évident que ça). Le
véhicule est très ancien, aussi bien dans le millésime
que dans l'usure de son mobilier. Les banquettes ne possèdent
pas d'appui têtes et le tissu d'origine a laissé place à
une couverture recouvrant donc la mousse du siège banquette
non rabattable 3/3 0/3.
Les filles prennent place à
l'arrière et moi, devant, à gauche. Oui, héritage
colonial oblige, la conduite se fait à gauche. Plusieurs
autocollants jaunis et craquelés sont collés juste
devant moi sur le pare brise avant, m'empêchant de voir
correctement la route. A en croire l'équipement de la voiture,
le port de la ceinture ne doit pas être obligatoire. Pourtant,
la conduite observable des différents objets en mouvement sur
la route (je pense que ce terme englobe à peu près tout
ce que l'on peut y trouver), pourrait faire penser le contraire, du
moins dans le caractère utile plus que dans l'aspect légal.
La route est submergées de
pièges, mais heureusement les voitures sont toutes équipées
de série de la fonctionnalité permettant d'assurer la
sécurité des passagers : le klaxon. Ce dernier, nous
l'avions découvert en Chine. Mais les Chinois sont des petits
joueurs à côté des Indiens adeptes du tut-tut. Ce
dernier doit d'ailleurs certainement être monté à
l'envers sur certains modèles : si on appuie, ça coupe
le son assourdissant de leur klaxon. Ha, c'est pas ça ?
Pourtant, ça y ressemble bien.
Nous entrons ainsi dans l'univers
indien, avec ses rues, sa misère, ses égouts à
ciel ouverts, ses enfants qui viennent mendier au carreau lorsque la
voiture est arrêtée, ses vaches sacrées qui ont
droit de tout faire et trainent donc sur la route, même sur les
routes à fort trafic, ses chameaux, son éléphant
(oui, pour l'instant nous n'en avons vu qu'un seul), ses rickshaws,
ses bus, ses piétons et bien d'autres choses encore. Je pense
que l'on peut parler dans ces cas là de choc social.
Ayant vécu en Afrique quelques
années de ma jeune vie, je retrouve quelques sensations de ce
lointain passé. Nous sommes cependant confinés dans le
taxi et ne sommes pas encore confrontés réellement à
ce milieu nouveau pour nous. Puis c'est un autre choc social, inverse
cette fois-ci. Nous arrivons en effet dans une zone pavillonnaire
regroupant des propriétés appelées "farm",
en référence certainement à la taille du
terrain. Dernier coup de klaxon, cette fois-ci pour que le gardien de
la propriété ouvre le portail monumental. Le taxi entre
et nous dépose à l'intérieur. Alexia nous
accueille. Nous avons un peu de retard, le repas a déjà
commencé. Après avoir déposé nos affaires
dans la chambre qui nous est gentiment mise à disposition, et
nous être mis en tenu correcte (maillot de bain pour les
filles, jupe pour Perrine et short pour moi) nous pouvons aller
déguster le festin au bord de la piscine. Le personnel est
nombreux : après le gardien à demeure (il possède
un petit logement à l'entrée de la propriété,
ce sont la cuisinière, la femme de ménage, et les
quelques jardiniers qui s'affairent en ce samedi après-midi.
L'intérieur est grand, les
pièces spacieuses et marbrées. On se croirait dans un
conte de fée. Les filles passeront dans cet univers coupée
du reste du monde tout le week-end. Pour ma part, j'ai eu le droit à
une escapade, seul, dans le centre ville de New Delhi, plus par
nécessité que par plaisir, pour acheter les billets
pour le train qui nous mènera le lundi matin à Jaipur.
Pourquoi n'ai-je pas eu de plaisir ? Tout simplement parce qu'il faut
bien l'avouer, j'ai ressenti, lorsque je me suis retrouvé seul
dans Delhi, un grand moment de solitude associé à un
grand mal du pays. Habituellement, le mal du pays est celui du pays
d'origine : on a la nostalgie de son pays natal que l'on souhaite
retrouver. Là, ce n'était pas mon pays natal qui me
manquait, mais bien le pays dans lequel j'étais, qui me
mettait mal à l'aise et que je souhaitais pour un temps,
quitter.
Nous avions prévu de partir pour
Jaipur dès le lundi. Nous sommes dimanche matin et les guides
touristiques indiquent qu'il faut généralement acheter
les billets en avance. Il est donc décidé que je me
rende à la gare pour acheter les billets. D'après les
horaires visibles sur internet, le train du lundi, est le matin et il
part à 6h05. Il est 12h lorsque je suis déposé
par Alexia dans Delhi, quelque part, je ne sais pas très bien
où exactement. J'ai sur moi un plan de la ville, le Lonely
Planet et les notes prises par Perrine correspondantes aux détails
de la réservation que je dois effectuer. Premier objectif,
trouver un distributeur (de préférence HSBC) pour
retirer l'argent nécessaire à payer les billets de
train. Le second consiste à me rendre à la gare,
trouver le bureau distribuant les tickets et acheter les billets.
J'ai 2 heures, car le dimanche, ce bureau ferme à 14h.
A Paris, on aurait le temps de boire
une bière à un café, flâner dans une
librairie, s'amuser des poses des touristes se faisant prendre en
photo devant la fontaine Saint-Michel. Et éventuellement avoir
mangé sur le pouce un sandwich grec.
Ben je vous jure que mes deux heures
ont été bien remplie par ces 2 tâches
précédemment listées. La recherche du
distributeur fût épique. Lorsque j''en trouve enfin un,
celui-ci ne fonctionne pas. De toute façon ça n'était
pas un HSBC. Pourquoi vouloir à tout pris un distributeur HSBC
? Parque je n'y ai aucune commission sur mes retraits. Mais l'heure
tourne et si je ne suis pas avant 14h à la gare, je peux faire
une croix sur le train du lendemain. Je me fais souvent accoster par
des personnes qui me conseillent d'aller à tel ou tel endroit.
Je sens la supercherie et me fie plutôt à mon instinct.
Tant pis pour le HSBC, mon objectif maintenant est de trouver un
distributeur, tout simplement. Puis lorsque je demande à un
policier le lieu du distributeur le plus proche, celui-ci me demande
pour quelle banque. Je réponds alors sans conviction celle
souhaitée. Miracle, il m'indique son existence à
quelques centaines de mètres. Il me faut pas loin de 4 ou 5
nouvelles demandes à des personnes essentiellement gardiens
d'immeubles, et petit à petit l'étau se referme et je
trouve enfin la banque tant recherchée. L'argent en poche il
me faut maintenant me diriger vers la gare. Un rickshaw est
nécessaire à m'y rendre en temps et en heure.
Imaginez le monde présent un
week-end à un salon de l'agriculture à Paris et la
place de l'étoile à l'heure de pointe. Mélangez
le tout, et vous obtenez un bouillon d'indiens et de rickshaw
grouillant et klaxonnant devant la gare de New Delhi. Il faut se
frayer un passage et ne pas écouter le chant des sirènes
vous indiquant de manière relativement amicale avec un soupçon
d'autorité, la direction du "tickets office". En
effet, plusieurs Indiens tentent de me guider vers le tickets office.
Je marche d'un pas affirmé dans une autre direction sans
réellement savoir où je dois me rendre exactement. Le
Lonely Planet invite à nous rendre, nous, étrangers, à
l'International Tourist Bureau. Il prévient aussitôt :
"Do not believe anyone who tells you it has shifted, closed or
burnt down, this is a scam to divert you elsewhere."
Par miracle le bureau est bien indiqué
et il n'a pas encore brulé. La réservation du train se
fait après quelques minutes d'attente. Ici pas de numéro
d'attente, mais une sorte de chaise tournante. La personne assise la
plus proche des guichets se lève lorsque l'un d'entre eux
devient disponible. Toutes les personnes assises se lèvent
d'un mouvement qui mériterait une médaille d'or
olympique lors de la compétition de danse synchronisée.
15 minutes plus tard, j'avais mon
billet en poche pour un train le lendemain matin à 6h05 par le
Shatabdi express en première classe (oui, il vaut mieux).
Voyage gratuit pour Alix.
Je me retrouve soulagé, les
billets acquis, mais devient rapidement quelque peu stressé
par le retour qui m'attend. Pour y venir, on m'avait déposé
en voiture. Il faut maintenant que je me débrouille pour
rentrer au bercail à une bonne quinzaine de kilomètre,
sans métro. Car c'est bien ça le souci, le manque
d'autonomie. Pour se déplacer, il faut alors faire appel à
un taxi ou un rickshaw, ce qui est assez usant compte tenu de la
négociation préalable du prix de la course et de ce que
le chauffeur peut embrouiller le touriste.
Après avoir quelque peu marché
pour me rendre à la Connaught Place (place autour de laquelle
j'avais trouvé un HSBC), un gamin m'accoste, me voyant
hésitant avec ma carte à la main. Son anglais est très
correct, il tente de savoir ce que je recherche. J'étais
justement en train de me demander comment regagner la farm house et
revoir mes 3 amours que je n'avais pas vu depuis bien 4 ou 5 jours...
heu, seulement 4 heures... Oui, je me sentais vraiment isolé
au milieu d'un monde socialement étranger pour moi.
Le jeune d'une quinzaine d'années
tente de m'aider. Je devrais me rendre à un office de tourisme
gouvernemental me dit-il. Il en connait un pas très loin. Je
pourrais ainsi y avoir toutes les information souhaitées.
Cependant, c'est vraiment le cadet de mes soucis que de trouver un
tel point d'information à cet instant donné. Je reste
sur la défensive, ne voulant pas le suivre. Il m'assure ne
rien avoir à me vendre et vouloir profiter de l'occasion pour
parler anglais. Sur la carte, je remarque une étoile bleue de
l'autre côté de la place, indiquant la présence
d'un office de tourisme. Je rentre un peu dans son jeu et lui
indiquant que si je veux bénéficier de conseils
touristiques, je peux alors m'y rendre facilement. Ah, j'ai pas de
chance m'indique mon interlocuteur, cet office du tourisme me
délivrerait des informations, mais contre de l'argent. Non,
vraiment il connait un office GOUVERNEMENTAL qui est beaucoup plus
approprié. De plus il est juste en face de la rue. Je consulte
alors le plan : point d'indication à son sujet sur ce Tourist
Map de Delhi distribués à l'aéroport dont la
date d'édition est de cet été. Je n'arrivais pas
à me séparer de ce jeune. Je voulais être seul
pour réfléchir à ce que je devais entreprendre
pour rentrer. Mais il insistait. Je lui confie mon Projet :
-
Mais non malheureux, aucun
rickshaw n'accepterait de te transporter aussi loin !
-
Les taxis ?
-
Non, plus, on est dimanche.
-
Et pourquoi y'en a-t-il dans la
rue ?
-
Ils ne font que passer, il ne
s'arrête pas.
Chaque question avait sa réponse.
Je fini par le suivre (comme quoi, leur jeu est bien rodé) et
me retrouve effectivement devant une boutique portant l'inscription
"Governemental Tourist Office". Je ne rentre évidemment
pas. Une autre personne, plus âgée ce coup-ci me force
presque à y rentrer (verbalement). Mais bon sang, non, je n'en
ai pas envie.
Ce coup-ci s'en est trop. Je traverse
et quitte mon jeune interlocuteur. Je trouve un rickshaw, lui montre
la carte et lui demande s'il peut assurer la course. Bien sur qu'il
peut. 1000 Roupies (15 €) me demande-t-il. Très cher ! Trop
cher. Je propose 250 Roupies ne sachant pas réellement quel
est le juste tarif. La négociation s'arrêtera à
350 Rs.
Je monte et il m'annonce qu'il doit
faire le plein d'essence. Juste 10 minutes d'attente, c'est tout. En
plus il s'arrête juste à côté d'un centre
commercial en sous-sol (pour info, ça n'existe pas en Inde) et
repassera me rechercher 10 minutes plus tard. En plus, j'ai de la
chance, c'est sans supplément de prix. Content d'avoir trouvé
un rickshaw acceptant de me ramener chez moi, je ne souhaitais pas le
perdre. Bon en même temps, je n'ai pas tenté d'en
consulter d'autres.
Il me dépose alors devant une
boutique et m'indique qu'il repasse dans une vingtaine de minutes.
Quoi ? Non, pas question. Je lui donne 10 minutes, sinon, je trouve
un autre rickshaw. Je descends, et me trouve nez à nez avec...
le jeune Indien qui m'avait tenu la jambe pendant près d'un
quart d'heure ! D'un air un peu agressif, il me demande ce que je
fais là. Le rickshaw s'est garé 4 mètres devant,
légèrement caché par un arbre. Je ne rentre
évidemment pas dans la boutique et reste devant. Le conducteur
revient alors vers moi pour m'indiquer que je peux finalement
remonter pour partir. J'ai du rester 15 secondes sur le trottoir.
C'est dingue, je suis tombé sur
un chauffeur qui souhaitais avoir sa commission sur d'éventuels
achat que j'aurais fait dans la boutique. Et ne me voyant finalement
pas entrer, est revenu me chercher.
J'arrive 20 minutes plus tard enfin
dans la paradisiaque farm house, retrouvant mon cocon familial
faisant la sieste. Le rickshaw me fait comprendre que l'endroit était
finalement plus loin que ce qu'il avait envisager, et avec une
expression du visage suggérant la supplication telle que
savent bien le faire les Indiens que j'ai pu croiser jusqu'alors, il
implore un bonus financier. Je lui cède 50 Rs supplémentaire.
Et non content, il implore de nouveau. Il n'aura rien de plus. La
course me coutant au final 400 Rs, soit 6 €. Après
renseignement, mon hôte m'indique que je me suis fait avoir, le
salaire mensuel d'un gardien de maison étant pour information
autour de 3000 Rs.
Bien que fier d'avoir survécu à
cette expérience, je vous promets qu'elle m'a bien marqué
et un peu retourné. Ce n'est pas tant la misère vu de
prêt, ni même la saleté qui n'est certes pas à
chaque coin de rue... mais... partout, mais davantage le fait de se
retrouver au milieu d'un monde vraiment différent et sans
réelle autonomie pour se déplacer qui m'a marqué.
L'objectif de la journée est
atteint, j'ai les billets. Maintenant, une autre mission commence,
celle de trouver un moyen de locomotion depuis ce coin perdu de la
ville vers la gare, et ce pour le lendemain matin... 4h pour être
à l'heure pour le train !
Oui un tour du monde, c'est de
l'aventure au quotidien. Mais des fois, on se demande vraiment
pourquoi on est partis. Là, c'est la première fois
depuis le début du voyage que je ressentais cette sensation de
faiblesse.
Bon, ben merci de m'avoir lu jusqu'ici.
Ce billet a été un peu long, mais c'est aussi une sorte
de thérapie. Je vous dois combien ? ;-)
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